A l’occasion de la journée internationale d’appel au don de la moelle osseuse, Radio Public Santé est allée à la rencontre de ces personnes qui ont frôlés la mort mais qui grâce aux donneurs ont survécus.
Rebecca, 36 ans, s’apprête à fêter les dix ans de sa greffe. En février 2004, alors qu’elle se remet d’un lymphome situé dans la zone cœur-poumon dont elle n’avait de 20% de chance de survire, elle contracte un deuxième cancer, encore plus grave, une leucémie. « En cinq jours, je suis montée à 41° de fièvre, j’ai eu des hématomes sur les jambes », Rebecca n’est pas épargnée puisque c’est le traitement de chimiothérapie censé résorber sa tumeur contractée deux ans auparavant qui est à l’origine de cette rechute brutale. Un cas rarissime, qui n’arrive que « dans 5% des cas », comme elle le rappelle elle-même.
Vulgairement, la leucémie est un cancer de la moelle osseuse. La moelle osseuse (à ne pas confondre avec la moelle épinière, présente dans la colonne vertébrale et qui correspond au centre nerveux du corps humain) est un tissu présent dans tous les os. C’est elle qui produit les cellules du sang que sont les globules blancs, rouges et les plaquettes. Dès lors qu’une leucémie est diagnostiquée, ces cellules sont infectées et sont de moins en moins produites, on a donc recours à la greffe de moelle osseuse pour sauver le patient. Dans le cas de Rebecca quand sa leucémie s’est déclarée elle n’avait que 3000 plaquettes, un humain normalement constitué en a au minimum 150.000.
« Les médecins m’ont dit : Rebecca t’es foutue, on va tenter le tout pour le tout » se remémore-t-elle du jour où sa leucémie est diagnostiquée. Il ne reste alors à la jeune fille de 26 ans que très peu de chance de survire. Il va falloir trouver un donneur de moelle osseuse compatible et réaliser une greffe avec succès. On se tourne alors vers son frère qui malheureusement ne pourra pas l’aider, faute de compatibilité. « L’attente devenait longue […] je portais énormément d’espoir dans ma fratrie » se rappelle-t-elle. Rebecca voit alors ses chances de survivre s’amenuiser un peu plus. Sans donneurs familiaux, il va falloir trouver un donneur anonyme compatible en consultant les fichiers nationaux puis internationaux. Soit une chance sur un million !
Rebecca qui vient de contracter deux cancers coup sur coup n’est pas vraiment vernie, mais la chance pointe enfin le bout de son nez dans cette vie qui ne tient plus qu’à un fil. De l’autre côté du Rhin, on trouve un donneur compatible avec la jeune fille. La découverte de ce donneur allemand ne fait pas tout pour autant, la vie de Rebecca va se jouer sur un nouveau coup de dé. Car si donneur il y a, il faut encore que la greffe prenne. Et la greffe prend. Début décembre 2004, Rebecca est encore très affaiblie mais sait plus que jamais que sa vie a de bonnes chances de continuer. Surréaliste.
Enfermée dans une bulle stérile de 3 m² pendant plus de deux mois afin d’éviter tout contact avec l’extérieur et pour laisser le temps à la nouvelle moelle de remplacer l’ancienne, Rebecca doit encore attendre. « L’après-greffe est difficile, vous ne quittez pas la bulle tout de suite […] Il y a notamment cent jours durant lesquels vous êtes dans la bulle où vous mangez, vous buvez de façon totalement stérile. Vous avez ensuite le droit de rester un an chez vous avec un masque puisque tout ce qui est à l’extérieur est dangereux pour vous. » Une greffe de la moelle osseuse entraine l’effacement total de la mémoire immunitaire, il faut du temps pour que les cellules recréent des anticorps. Pendant cette période bien précise, « une personne qui a un simple rhume peut vous tuer ».
Un an après, la phase de rémission n’est pas arrivée à son terme, puisqu’il reste encore trois ans, mais Rebecca peut enfin sortir de chez elle. « Ce sont des moments difficiles, lorsque que vous sortez dans la rue avec un masque, les gens vous regarde comme une pestiférée […] il faut apprendre à ne plus faire attention au regard des autres ».
Cela fait aujourd’hui cinq ans que Rebecca est guérie et qu’elle vit comme quelqu’un de parfaitement normal. Peut-être même plus que d’autre, elle le dit elle-même : « Je sais même pas comment je fais pour tenir une vie dans 24 heures. Je fais énormément de choses. On a envie de croquer la vie à pleine dent quand on sait qu’elle peut s’arrêter du jour au lendemain. »
Ce qui fait de Rebecca une survivante c’est aussi sa personnalité, sa « forte tête » comme elle dit. Aujourd’hui juriste, elle a tenue à suivre son cursus universitaire depuis sa chambre d’hôpital tout au long de sa maladie. « J’étais en licence de droit, les médecins m’ont dit de tout arrêter. […]Je leur ai dit qu’ils me connaissaient très mal, c’est moi qui gérerais ma vie, pas le cancer. J’ai poursuivie mes études, j’ai passé licence, maîtrise, DEA et j’ai passé le barreau dans ma petite bulle stérile. »
Si Rebecca vit aujourd’hui c’est grâce à un homme qu’elle ne connait pas. Cet allemand qui avait 24 ans à l’époque de la greffe et qu’elle appelle son « frère de sang ». La loi française ne l’autorisant pas à le rencontrer, elle ne communique avec lui que par courrier via les agences de biomédecine qui veillent scrupuleusement à ce que l’anonymat soit respecté dans chacune des lettres. Elle ne rêve pourtant que d’une chose, lui dire « merci » de vive voix.
Comme l’illustre ce témoignage fort, le don d’organe, qu’il soit fait en France ou à l’autre bout du monde, sauve des vies. Les agences de biomédecines se mobilisent plus particulièrement en ce week-end du 26 septembre pour sensibiliser les personnes sur la nécessité de donner. Pour plus d’informations rendez-vous sur : www.agence-biomedecine.fr ou www.dondemoelleosseuse.fr
Raphael DELVOLVE |